Vaccination COVID-19/grippe : le démarrage de la campagne confirme le capharnaüm redouté
Flash-info 77/23, publié le 29/09/2023
Si l’augmentation de la couverture vaccinale est certes une nécessité, le GBO/Cartel regrette que Frank Vandenbroucke ait décidé, sans aucune concertation avec les médecins, de mettre en œuvre au pas de charge une nouvelle « réformette » plutôt que de prendre le temps nécessaire pour revoir le système de prévention en profondeur.
Le projet de loi de Frank Vandenbroucke visant à étendre (àpd 01/10/23) le droit pour les pharmaciens de vacciner contre la grippe saisonnière devrait finalement être approuvé par la Chambre des représentants le 05/10, après la deuxième lecture demandée par le Vlaams Belang. Vu les délais très serrés, il y a fort à parier que l’urgence sera invoquée pour que cette loi soit publiée le plus rapidement possible puisque cette mesure était censée entrer en vigueur le 1er octobre 2023.
Une campagne organisée dans le désordre et la précipitation : le capharnaüm redouté est confirmé par les 1ers retours du terrain
Comme nous vous en informions dans notre Flash-info du 19/09/23 (Campagne de vaccination grippe et COVID-19 saison 2023-2024 : détails pratiques), cette campagne de vaccination COVID-19/grippe repose cette année presque exclusivement sur la 1re ligne de soin puisque, hormis 5 centres et quelques antennes de vaccination en Wallonie, la vaccination COVID-19 et grippe sera assurée par les médecins généralistes, les pharmaciens et infirmiers cet hiver.
Deux semaines après le début de la campagne de vaccination contre la COVID-19, et alors même que la vaccination contre la grippe n’a pas encore commencé chez les pharmaciens, force est de constater que, sur le terrain, c’est le capharnaüm redouté. Parmi les nombreux retours du terrain, citons notamment :
- L’approvisionnement en vaccins COVID-19 par le médecin généraliste : un parcours du combattant qui ne facilite (vraiment) pas la vaccination en cabinet
Les médecins généralistes sont censés s’approvisionner auprès des pharmacies participant à la campagne de vaccination (soit les pharmacies dans lesquelles il est possible d’être vacciné, les autres n’ayant pas de vaccins en stock). Force est de constater que certaines de ces pharmacies ne délivrent pas de vaccins aux généralistes, soit car elles n’ont pas encore commandé de vials (sous prétexte qu’elles n’ont pas encore la personne qui pourra vacciner dans leur officine) ou ne délivrent tout simplement pas de vaccins aux généralistes … À quand une liste à jour des pharmacies délivrant réellement des vaccins contre la COVID-19 aux médecins généralistes ?
👉 À quand une liste à jour des pharmacies délivrant réellement des vaccins contre la COVID-19 aux médecins généralistes ?
👉 À quand un système aisé de commande et distribution des vaccins COVID et grippe pour les médecins généralistes (comme c’est le cas en Flandre) ? - Partage des données de vaccination et risque avéré de double vaccination : l’enregistrement des vaccins aurait dû être visible immédiatement par tous les prestataires de soins concernés
Lors de consultations récentes, certains patients distraits ou en déclin cognitif ont dit à leur médecin qu’ils avaient été vaccinés mais ne savaient pas très bien contre quoi car cela avait été très vite en pharmacie… Comme les patients ne reçoivent pas carte de vaccination et que les vaccins administrés en officine n’est pas visible dans le Sumehr, se pose donc le problème du risque de double vaccination[i]. Pour l’éviter, les médecins doivent alors se connecter à VaccinNet+ pour vérifier si le patient a déjà été ou non vacciné contre la COVID-19. Actuellement, les pharmaciens ne sont pas encore autorisés à administrer le vaccin contre la grippe. Si cela devait être le cas en octobre, une vérification par le généraliste sera impossible car le vaccin grippe devra également être encodé par le pharmacien via un e-form mais les données ainsi collectées ne seront pas visibles immédiatement par les autres prestataires de 1re ligne (elles seront injectées par la suite dans les coffres-forts des RSW et RSB. À quelle échéance ? Mystère …)
Outre une surcharge administrative pour les généralistes, le risque de double vaccination est bien réel, que ce soit en cabinet de MG ou en officine.
👉 Avant d’étendre le droit de vacciner à d’autres prestataires que les médecins et infirmiers, et afin d’éviter notamment ce risque de double vaccination, il eut été indispensable que les logiciels métier soit adaptés pour que les vaccins administrés (quel que soit le prestataire) soient visibles immédiatement par les médecins via les réseaux santé wallons et bruxellois !
- Derrière toute vaccination il y a un acte intellectuel médical, indispensable à la qualité des soins.
Pour le GBO/Cartel, il est indispensable de séparer l’acte médical intellectuel de l’acte technique. Seuls les médecins sont à même de déterminer, sur base de son dossier médical, si un patient appartient à un des groupes à risque définis par le CSS pour la grippe saisonnière et la Covid-19[ii]. A contrario du médecin, non seulement le pharmacien ne dispose pas des données de santé lui permettant de savoir si la personne de l’autre côté de son comptoir est éligible ou non à la vaccination, mais il ne possède pas non plus les compétences médicales nécessaires pour établir l’indispensable balance bénéfice/risque liée à toute vaccination, ni déterminer si le patient présente des risques de réactions allergiques.
Une réorganisation des rôles et missions au sein de la 1re ligne est nécessaire mais ne s’improvise pas !
Le GBO/Cartel a toujours eu une vision claire du système de soins de santé, au sein duquel le médecin généraliste occupe une place centrale, et revendique un système structuré qui garantisse les meilleurs soins par le prestataire le plus adéquat, au meilleur endroit, au meilleur moment et au prix le plus juste. Un système de soins structuré avec un échelonnement des soins mesuré prenant appui sur une première ligne forte où le MG est central, avec une délégation adéquate, négociée et sécurisée des tâches, entre les lignes de soins et entre prestataires de la première ligne.
Dans un communiqué commun avec l’ABSyM (une fois n’est pas coutume !), le GBO/Cartel avait fait part mi-août de son opposition à ce nouveau projet de loi. Pour le GBO/Cartel, il ne s’agissait pas d’un réflexe corporatiste de principe mais bien d’une prise de position basée sur une réflexion beaucoup plus profonde. Mais quels sont les arguments justifiant notre opposition à ce projet de loi ?
Plutôt que de (ré)agir dans la précipitation, il aurait fallu mettre en place des solutions pour simplifier le parcours vaccinal et aider les généralistes à faire leur métier
Mais pourquoi élargir dès aujourd’hui (et dans la précipitation !) la vaccination pharmacienne à la grippe saisonnière ? Les intentions du ministre de la Santé sont claires quant à son souhait d’élargir la couverture vaccinale mais le GBO/Cartel ose espérer que sa vision n’est pas de transformer la pharmacie d’officine en mini-dispensaire de 1re ligne pour pallier la pénurie de médecins généralistes. Le transfert de tâches de pratiques de la médecine générale vers des pharmacies d’officine qui ont également une logique commerciale nous pose problème. Ce n’est pas parce que la pénurie de généralistes est un fait qu’il faut commencer à faire en urgence des transferts de compétences pour des actes médicaux comme la vaccination, qui sont au cœur du métier du médecin généraliste. Avant toute chose, alléger drastiquement la charge administrative qui pèse sur les médecins généralistes leur permettrait de dégager un temps précieux pour se consacrer à soigner les patients.
Grain à moudre à (re)lire : Bricoler n’est pas réformer
En outre, même s’il est prouvé a posteriori que les pharmaciens auront augmenté drastiquement la couverture vaccinale, la vaccination saisonnière par les médecins généralistes a par contre une plus-value certaine en matière de prévention puisqu’elle leur permet de revoir certains patients qui ne consultent pas suffisamment ou assez régulièrement, et de profiter de cette consultation pour réaliser un bilan de santé et un examen clinique préventif.
Détourner les patients vulnérables de chez le médecin pour les vaccinations saisonnières risque d’avoir des conséquences en terme de santé publique en privant par exemple ce groupe du bilan de santé annuel.
[1] Actuellement, le vaccin COVID-19 administré en officine est encodé via un e-form développé pour que le vaccin soit ensuite enregistré sur VaccinNet+. Le vaccin grippe devra également être encodé via cet e-form mais les données ainsi collectées ne seront pas visibles immédiatement par les autres prestataires de 1re ligne, loin s’en faut …
[1] Avis du Conseil Supérieur de la Santé (CSS) : grippe saisonnière (avis 9767) et Covid-19 (avis 9766).