Vaccination contre la grippe en officine : un impératif de santé publique qui ne respecte pas les règles du jeu
Flash-info 25/24, publié le 15/03/2024
Arguant que le recours aux pharmaciens était nécessaire pour atteindre une couverture vaccinale contre la grippe plus importante parmi les personnes vulnérables, le Ministre Vandenbroucke a tout mis en œuvre pour faire passer sa réforme afin que la vaccination contre la grippe en officine devienne une réalité à l’automne 2023 [1] (Cf. Flash-info du 08/10/23 : Vaccination COVID-19/grippe : le démarrage de la campagne confirme le capharnaüm redouté). Depuis lors, cette Loi autorisant les pharmaciens à vacciner contre la grippe a été prolongée par un arrêté royal jusqu’à fin 2024. Toujours sans aucune concertation avec les syndicats de médecins, et sans jamais écouter les raisons de notre désaccord.
Une ferme opposition de la médecine générale, qui n’a jamais été sollicitée ou entendue
Pourtant, depuis le départ, nos représentants au Comité de l’Assurance de l’INAMI ont toujours exprimé leur ferme désapprobation par rapport à cette extension du droit pour les pharmaciens de vacciner contre la grippe saisonnière. Le GBO/Cartel avait uni ses forces avec celles de l’ABSyM pour s’y opposer [2]. Rien n’y a fait, le Ministre est passé en force et la vaccination en officine a été imposée aux médecins généralistes, sous prétexte de soulager leur surcharge de travail et d’augmenter la couverture vaccinale des publics à risque.
D’où provient cette mesure ? Selon nos informations, il n’est pas sûr du tout que cette mesure ait répondu à une demande explicite des associations fédérales représentant les pharmaciens …
Les règles de collaboration entre prestataires ne sont pas respectées … au détriment aussi des patients
Bien que cette Loi contribue à l’érosion de la profession médicale, cette opposition du GBO/Cartel n’est pourtant pas un réflexe corporatiste de principe mais bien le fruit d’une réflexion de santé publique :
- La vaccination est un acte médical au cœur des compétences des MG. En outre, la vaccination saisonnière permet de faire de la prévention auprès de patients ne consultant pas suffisamment ou régulièrement. Détourner ces patients des cabinets de MG, même sous prétexte de soulager la surcharge de travail des généralistes, n’est pas du tout une bonne idée en termes de santé publique.
- « Les meilleurs soins, accessibles à tous, au meilleur endroit, par le prestataire le plus adéquat, au moment le plus opportun et au juste coût» : le GBO/Cartel a toujours prôné un système de soins de santé structuré avec un échelonnement des soins mesuré, prenant appui sur une 1re ligne forte où le MG est central, avec un transfert des tâches adéquat, négocié et sécurisé, entre les lignes de soins et entre prestataires de la 1re ligne, assorti de règles bien claires dont, entre autres, une communication sans faille des actes effectués entre les prestataires de soin.
Les règles de transmission des informations (condition d’une bonne collaboration) entre prestataires ne sont pas respectées … au détriment aussi des patients
Dans le cas présent, les vaccins administrés et encodés en officines, auraient dû être visibles automatiquement et immédiatement par les autres prestataires … et le patient ! Et c’est là que le bât blesse : la mise en œuvre de la vaccination est une compétence régionale (prévention). Malheureusement, le cadre législatif pour la transmission des données de vaccination antigrippale par le pharmacien manque en Wallonie et à Bruxelles.
Alors que les pharmaciens encodent bel et bien les vaccins contre le COVID et la grippe administrés en officine dans leur logiciel, Pharmaflux, seuls les vaccins COVID-19 sont visibles sur VaccinNet+, mais malheureusement pas dans le DMI. Les vaccinations contre la grippe effectuées en pharmacie ne sont donc toujours pas visibles par les autres prestataires (que ce soit dans leur dossier médical ou dans VacciCard/VaccinNet), ni même par les patients eux-mêmes.
Cette double absence dans les DMI entraîne une nouvelle perte de temps pour les MG, forcés de devoir confirmer les dires des patients. Vous avez dit « soulagement des MG » ? En outre, le risque de double vaccination contre la grippe est bien réel et, dans l’intérêt des patients, cette situation ne peut plus être tolérée.
Contactée par nos soins, l’AViQ nous promet une résolution rapide de ce problème de transmission des données de vaccination antigrippale (pour le mois d’avril semblerait-il). Reste à espérer que ce décret sera validé avant que le gouvernement ne passe en affaires courantes …
[1] La loi autorisant les pharmaciens à vacciner contre la grippe, publiée au Moniteur le 11/10/2023, cette loi autorisait les pharmaciens à vacciner contre la grippe entre le 10/10 (entrée en vigueur et le 31/12/2023. Il était prévu qu’elle puisse être prolongée par arrêté royal et ce, pour une durée maximale d’un an (càd jusqu’au 31/12/2024), ce qui fut fait fin décembre 2023.
[2] Cf. Flash-info du 22/08/23 : Laisser les pharmaciens administrer le vaccin contre la grippe est totalement inacceptable