Flash-info 35/23, publié le 14/04/2023

Revue de médication par le pharmacien de référence
Idée : bonne.
Méthode
: peut mieux faire…

En complément du Flash-info 34/23 envoyé le 3 avril dernier et suite à plusieurs questions de nos membres, nous tenons à vous soumettre quelques réflexions supplémentaires quant à cette « revue de médication par le pharmacien » récemment mise en œuvre en officine, sans que les médecins aient été concertés pour les modalités d’application de celle-ci.
Si l’idée est bonne et avait été validée par les médecins (syndicats médicaux et des sociétés scientifiques), la méthode est à revoir impérativement ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le GBO/Cartel vient de demander au Président de la médico-mut d’inscrire le point à l’ordre du jour de la prochaine séance de la CNMM, le 17/04/23.

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D’abord les FAITS :

La revue de médication, d’application depuis le 01/04/23, est un accompagnement personnalisé des patients polymédiqués, par leur pharmacien de référence, visant à optimiser l’usage des médicaments par la détection d’interactions, d’effets indésirables, de mauvais usage, de surconsommation ou de sous-consommation.

Elle peut être effectuée à l’initiative du pharmacien de référence (pas d’autre pharmacien), du patient ou du médecin traitant (qui aura toujours le dernier mot), au travers d’une collaboration efficace entre eux trois.

  • En Belgique, près de 300.000 patients prennent de façon chronique au moins 5 médicaments par jour. La question de la collaboration entre généralistes et pharmaciens en vue de l’optimisation de l’utilisation des médicaments a été jugée « thématique prioritaire » par l’asbl Concertation Médico-Pharmaceutique (CMP) et y est discutée par les représentants des pharmaciens (APB et OPHACO), des syndicats médicaux (ABSYM-BVAS, Cartel/GBO-ASGB-MODES), et des sociétés scientifiques de médecins (SSMG, Domus Medica) et de pharmaciens (SSPF).
  • Dans un premier temps, cette mesure a été concertée avec les médecins, mais sa finalisation pratique a été réalisée et adoptée le 16 décembre 2022 en Commission de conventions pharmaciens-organismes assureurs de l’INAMI (l’équivalent de la médico-mut pour les médecins) EN L’ABSENCE DES MÉDECINS (alors même que les représentants des médecins du GBO/Cartel avaient formulé des réticences voyant les généralistes écartés de la concertation sur les détails du dispositif et du financement de la mesure.)
  • L’optimalisation de l’usage des médicaments est aussi un des « objectifs des soins de santé/appropriate care » sélectionné en 2021 dans le cadre de la trajectoire budgétaire pluriannuelle « soins transversaux ». Le projet de revue de médication en fait partie et a été validé par le Comité de l’Assurance le 16 janvier 2023. La démarche de « soins transversaux » s’inscrit dans une promotion de la collaboration entre les différents prestataires dans un but d’amélioration de la santé publique.
  • La réduction de la consommation des médicaments réduit de facto les gains des pharmaciens. La question se pose alors de trouver des incitants permettant aux pharmaciens d’adhérer à ce projet de santé publique. Dans l’idée de dissocier en partie leurs gains du nombre de médicaments vendus, la création de financements alternatifs est une excellente idée.
  • Dans le contexte de pénurie actuelle de généralistes, le pharmacien renforce son rôle d’acteur de première ligne.

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Et maintenant ?


Le défi est d’organiser les mécanismes de la collaboration pharmacien/MG :

  • Dans son analyse de la médication, le pharmacien devra prendre en compte des éléments, dont la révélation, en accord avec le patient, doit être proportionnelle au but poursuivi, d’Evidence Based Practice appliquée par les médecins, EBM modulées par les “préférences” des patients et l’expérience des médecins. Cette discussion doit se faire dans le respect mutuel. Seule la communication du résultat de la négociation doit être faite au patient.
  • Les traitements sans prescription (ex des AINS à faibles doses) ou sous prescription d’autres prestataires doivent être communiqués au MG par le pharmacien
  • Des dispositifs facilitateurs doivent être développés : quels outils vont-ils être mis en place pour assurer la communication sécurisée entre pharmacien/MG sans interférer avec les horaires déjà intenses des MG ?
  • Les responsabilités civiles et pénales de chacun doivent être déterminées, d’autant plus s’il y a désaccord entre le pharmacien et le MG.

Il faut dans ce contexte renforcer le travail des généralistes en le rémunérant à sa juste valeur.

Les MG ont déjà développé le concept de « dé-prescription », l’utilisation des tables STOPP/START pour les patients de 65 ans et plus, la « réconciliation médicamenteuse » en post-hospitalisation, la revue des interactions médicamenteuses par le système d’alerte des DMI.

❸ Il importe aussi d’organiser l’évaluation de cette démarche-ci.

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Cela devra être garanti par l’accord médico-mutualiste de cette fin d’année 2023 pour éviter aux généralistes un essoufflement dans l’instauration d’une collaboration intersectorielle pourtant si précieuse pour la santé publique mais asymétrique en leur défaveur.

La collaboration intersectorielle consacre le principe de subsidiarité dans un esprit non concurrentiel. Pharmacien, généraliste, kinésithérapeute, infirmière, vont de ce fait élargir leur champ d’action.

Malheureusement, contrairement à nos objurgations tant de fois répétées dans les divers cénacles de l’INAMI, les réformes se dessinent au pinceau à un poil. C’est-à-dire point par point, profession par profession, tâche par tâche, et sans aucun plan d’ensemble.

Il nous faut définir une politique de santé. Et par-dessus tout, déterminer enfin qui fait quoi dans les soins de santé en Belgique : en première ligne et entre les différentes lignes de soins.

Pour cela, il faut en finir avec le modèle concurrentiel et passer au mode coopératif.