Plaidoyer pour le maintien de la consultation téléphonique en médecine générale en 2025

Une carte blanche du Dr Kevin Pirotte, généraliste depuis 6 ans à Seraing et administrateur du GBO/Cartel, publiée le 10/10/2024.
Les billets repris dans la rubrique « Grains à moudre » témoignent des opinions personnelles de leur auteur (et n’engagent que lui), sans nécessairement refléter la position du GBO/Cartel.

À l’heure où les discussions sur le budget des soins de santé pour 2025 en Belgique sont en cours, une proposition débattue au Comité de l’Assurance de suspendre le remboursement des phonoconsultations durant l’année 2025 en et de mettre en place un cadre plus contraignant en 2026 pour le volume des honoraires des phonoconsultations qui ont augmenté de manière exponentielle, espérant ainsi économiser ± 68,4 millions d’euros. Cette mesure, bien que motivée par des impératifs budgétaires, risque d’entraîner des conséquences négatives sur l’accès aux soins de qualité, particulièrement pour les patients les plus vulnérables si le futur cadre n’est pas mûrement réfléchi.

Ce plaidoyer met en lumière les bénéfices de la téléconsultation tout en proposant un cadre structuré et en assurant une juste rémunération pour garantir la pérennité de cette pratique.

En Belgique, la consultation téléphonique s’est imposée comme un outil indispensable pour assurer l’accès aux soins, notamment en médecine générale. Ce modèle a permis aux patients de continuer à bénéficier de soins, en particulier dans les situations où les consultations physiques étaient difficiles ou impossibles. Cependant, le débat sur son maintien et sa rémunération nécessite une approche claire, avec une rémunération à l’acte de 12 € (1) pour chaque téléconsultation. Il est important de fixer des balises afin de garantir une utilisation sécurisée et encadrée de cet outil. Le GBO/Cartel propose des recommandations pour défendre et structurer cette pratique.

La consultation téléphonique, un outil d’équité en médecine

La téléphonique permet aux patients de surmonter des obstacles pratiques comme les difficultés de déplacement ou les limitations géographiques. Une étude de l’American College of Physicians (ACP) souligne que la téléconsultation est une alternative valable pour les patients n’ayant pas un accès direct à des soins médicaux réguliers (2). Elle permet également de réduire les inégalités d’accès aux soins et de maintenir un suivi médical de qualité.

Exemple concret : Mme Dupuis, 68 ans, vivant en zone rurale, souffre d’asthme chronique. Elle bénéficie de téléconsultations régulières avec son médecin traitant, lui permettant d’ajuster son traitement sans avoir à se déplacer, ce qui est difficile compte tenu de ses limitations physiques.

Balises pour encadrer la phonoconsultation

Pour garantir une utilisation sécurisée et efficace de la téléconsultation, des balises doivent être mises en place :

  • Lien thérapeutique préexistant : la phonoconsultation doit être réalisée uniquement par des médecins ayant un lien thérapeutique avec le patient et étant détenteurs du Dossier Médical Global (DMG). Cela assure un suivi basé sur une bonne connaissance de l’historique médical du patient. Pas de téléconsultation pour des demandes de patient lors de la garde médicale.
  • Limitation des actes : la phonoconsultation doit être réservée aux suivis médicaux simples, comme les renouvellements d’ordonnances chroniques ou le suivi de maladies chroniques stabilisées. Les examens nécessitant un diagnostic clinique approfondi doivent être réalisés en consultation présentielle.
  • Refus des prescriptions d’antibiotiques et des certificats par téléphone : les actes médicaux tels que les certificats médicaux ou les prescriptions d’antibiotiques ne doivent pas être délivrés par téléphone ou mail. Ces documents nécessitent une consultation physique pour un examen clinique adéquat sauf pour une renouvellement de médicaments qui peut se faire éventuellement par téléphone en comptabilisant un avis (3).
  • Exemple concret : Mme Lefèvre, souffrant de diabète de type 2, consulte son médecin par téléphone pour ajuster son traitement d’insuline. Cependant, pour l’obtention d’un certificat médical, elle est invitée à se rendre au cabinet pour un examen complet.

Risques liés à l’absence de rémunération

En supprimant ou en réduisant de manière excessive les honoraires liés aux phonoconsultations, les médecins seraient contraints de ramener l’ensemble des actes en cabinet, ce qui pourrait entraîner une surcharge des consultations en présentiel et un allongement des délais de rendez-vous. Cela irait à l’encontre des objectifs d’efficacité et d’accessibilité que les OA cherchent à promouvoir.

Le maintien des honoraires de 12 € par acte est crucial non seulement pour assurer une juste rémunération aux médecins, mais aussi pour garantir la pérennité d’un modèle qui répond aux besoins actuels de la société belge et de son système de soins.

La consultation téléphonique, une réponse à l’évolution de la société

La consultation téléphonique répond sans doute et en partie en tous cas à l’évolution des pratiques sociétales et aux attentes de flexibilité des patients. Elle permet aux patients de consulter rapidement, sans avoir à se déplacer, tout en assurant un suivi régulier.

Alignement avec les valeurs du GBO/Cartel

Le GBO/cartel défend une médecine de proximité, centrée sur le patient, et accessible à tous. Le maintien de la consultation téléphonique avec une rémunération juste de 12 € par acte s’inscrit dans cette vision. La proposition de limiter cette pratique aux médecins ayant un lien thérapeutique et un DMG garantit un suivi personnalisé et de qualité, tout en évitant les abus.

Les propositions du GBO :

Une rémunération correcte des prestations de télémédecine, en relation avec les investissements professionnels, humains, matériels et financiers.

  • La suppression du ticket modérateur pour tout acte effectué à distance ;
  • La suppression de la distinction entre vidéo et phono-consultation qui paraît prématurée au vu des connaissances actuelles et de la situation personnelle des patients (fracture numérique notamment) : l’honoraire pour la consultation téléphonique par un MG (10,9 € au 01/01/23) devra être valorisé au même montant que celui pour la consultation vidéo (24,21 € au 01/01/23).
  • Une revalorisation de l’avis à minimum 10 € (au lieu de 4,37 € au 01/01/23).

Une garantie de qualité de ce nouveau concept qui ne peut absolument pas se substituer aux contacts et relations humaines qui font la qualité de notre métier. La télémédecine enrichit, de façon complémentaire, les différents modes d’intervention de la médecine générale.

  • Mise en place de formation initiale et continue des MG afin qu’ils puissent s’approprier au mieux ces nouveaux outils, dans tous les domaines : confidentialité, éthique, consentement éclairé, RGPD, pertinence, évaluation.
  • Maîtrise indispensable par les autorités publiques du cadre réglementaire d’introduction et d’utilisation de la télémédecine. Maîtrise indispensable par la profession médicale des outils de télémédecine.
  • Une vigilance quant au cryptage et au stockage de données assuré par les institutions (en vue de réduire la charge mentale du praticien vis-à-vis du traitement correct des données et du respect de la vie privée).

Une garantie de la préservation de l’accès aux soins de santé pour tous. L’utilisation de technologies dans la relation avec les patients ne peut pas créer de nouvelles inégalités dans l’accès aux soins (fracture numérique).

Conclusion

La phonoconsultation est un outil essentiel pour assurer un accès équitable aux soins en Belgique. En fixant une rémunération de 12 € par acte et en appliquant des balises claires, nous garantissons un service de qualité, tout en répondant aux évolutions de la société moderne. La phonoconsultation doit rester un complément aux consultations physiques, permettant de maintenir un suivi efficace pour les patients tout en garantissant une rémunération équitable pour les médecins.

J’invite, les acteurs influents au sein de l’INAMI, à bien tenir compte de ces arguments dans la perspective d’une révision éventuelle des honoraires et du cadre des phonoconsultations. Nous devons travailler ensemble pour maintenir la consultation téléphonique, afin de continuer à offrir des soins équitables, accessibles et de qualité à tous nos patients, tout en garantissant une rémunération juste pour les médecins généralistes qui s’engagent dans cette pratique.

(1)  Montant arrondi à l’unité supérieure.

(2) Policy Recommendations to Guide the Use of Telemedicine in Primary Care Settings | ACP Online](https://www.acponline.org/policyrecommendationstoguidetheuseoftelemedicineinprimarycaresettings)

(3) https://www.jwatch.org/fw110602/2015/09/08/acpoffersrecommendationstelemedicineprimarycare

& Policy recommendations for use of telemedicine in primary care – Tech Science Daily News

(https://healthmedicinet.com/news/policyrecommendationsforuseoftelemedicineinprimarycare/)

Sources : 

  • [ACP Offers Recommendations for Telemedicine in Primary Care] (https://www.jwatch.org/fw110602/2015/09/08/acp-offers-recommendationstelemedicine-primary-care)
  • (https://www.jwatch.org/fw110602/2015/09/08/acp-offers-recommendationstelemedicine-primary-care)
  • [Patient Satisfaction With Remote Consultations in Primary Care] (https://www.cureus.com/articles/40734-patient-satisfaction-with-remoteconsultations-in-primary-care)
  • [Patient Satisfaction With Remote Consultations in a Primary Care Setting | Cureus] (https://www.cureus.com/articles/69574-patient-satisfaction-with-remoteconsultations-in-a-primary-care-setting)
  • [The Patient Satisfaction in Primary Care Consultation] (https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.02320 23) [,The patient satisfaction in primary care consultation—Questionnaire (PiC): An instrument to assess the impact of patient-centred communication on patient satisfaction | PLOS ONE] (https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0254644)