Pénurie – Planification – Numerus clausus
La planification du nombre de médecins nécessaire est une question fort complexe. Il y a peu, les sous-quotas et clés de répartition MG/MS ont été largement modifiés et devraient permettre à moyen terme d’arriver au nombre de praticiens nécessaires. Celui-ci dépendra des facteurs liés aux besoins d’une part et à l’offre d’autre part.
Concernant les besoins, nous savons que ceux-ci vont croître, en raison du vieillissement de la population et des pressions migratoires intenses que nous connaissons. Les patients plus âgés, plus malades, plus pauvres, nécessitent davantage de soins. Et donc un nombre supérieur de MG.
Concernant l’offre, il faudra définir la répartition des rôles entre les deux lignes de soins, mais aussi au sein même de la première ligne. Du côté francophone, où nous souffrons d’une pléthore de spécialistes (cardiologues, gastro-entérologues, gynécologues), de nombreuses activités devraient redescendre en première ligne (à titre d’exemples les suivi d’HTA, la petite gynécologie, le côlon irritable ). Les cardiologues devraient abandonner les tâches préventives qui ne nécessitent pas d’appareillage. Inversement, les secrétaires, les infirmiers, les « case manager », les diététiciens pourraient suppléer les MG dans les activités latérales.
Les besoins en médecine générale
En Belgique, nous disposons actuellement d’un MG pour environ 1.100 habitants, mais dans la situation actuelle, le nombre d’habitants par médecin risque d’augmenter : il faut éviter de tendre vers le taux d’encadrement néerlandais, soit un MG pour 2000 personnes, ce qui n’est pas souhaitable, comme le démontrent les travaux de la commission de planification, le bureau du plan, le KCE …Les calculs basés sur des consultations de 20 minutes, à raison de 20 contacts par jour et en tenant compte des congés et maladies, aboutissent à un chiffre optimal de 900 patients par MG.
D’autres facteurs jouent sur le nombre optimal de médecins : le temps de travail, la disponibilité et le développement du temps partiel en MG. Il est certain que la combinaison du vieillissement, de l’accroissement des maladies chroniques et de l’allègement du temps de travail nécessitera un nombre plus élevé de praticiens que ce qui se dessine actuellement sur base des nouveaux promus.
La clé de répartition MG/MS
En 2022, les nécessités de la MG sont de mieux en mieux comprises par l’INAMI, le KCE et le bureau du plan. Alors que la répartition des numéros INAMI entre jeunes diplômés était d’environ 30% pour les MG et 70% pour les MS, nous sommes parvenus à obtenir une clé de répartition de 43% de MG par cohorte annuelle de diplômés. Clé qui ne nous paraît pas encore suffisante. Le Collège de médecine générale (CMG) a estimé que 50% serait préférable et tout récemment la commission de planification fédérale a estimé les besoins à près de 51 %.
Mais sous le prétexte qu’on ne peut pas « obliger les candidats aux spécialités à s’engager en MG », les facultés de médecine font de la résistance: elles souhaitent augmenter les sous-quotas mais calculer les 43% de places pour les MG sur base des anciens sous-quotas ce qui conduirait une fois de plus à un pourcentage réel inférieur à 43% (force est de constater qu’il n’est toujours pas appliqué).
Ceci confirme que le sous-quota ne pourra être atteint qu’à deux conditions :
- il faut augmenter l’attractivité en médecine générale ;
- les universités doivent respecter un nombre limité d’entrées en stage de spécialisation pour les spécialités dont l’offre est excédentaire.
Dans ce contexte, la réorganisation de la MS présente un intérêt évident : quels MS, combien, pour quelles missions ? Quelle articulation entre l’ambulatoire spécialisé et l’hospitalier ? Quelle collaboration avec les MG? Actuellement la « référence horizontale » entre MS est un véritable fléau qui nie l’apport spécifique des MG dans une structuration optimale des soins. La MG souffre aussi très directement de la désorganisation actuelle de la MS: pour compenser les pénuries de certaines professions spécialisées, nombre de MG sont attirés vers la médecine hospitalière.
Le numerus clausus (NC)
Concernant le NC, les procédures préconisées aujourd’hui sont différentes au Nord et au Sud du pays. Le nord vient de se libérer des quotas fédéraux ce qui ne devrait pas nous inquiéter (au contraire)
- En Flandre, un concours d’entrée limite l’accès en amont depuis de nombreuses années. Mais la pénurie actuelle a amené la Flandre à s’émanciper des normes fédérales en 2023.
- En communauté française, un examen d’entrée à la fin de la première année du baccalauréat permettait aux étudiants provenant de filières moins favorisées, d’acquérir les connaissances nécessaires à la poursuite de leurs études. En 2023, sous la pression du ministre de la Santé, un concours est mis en place dès l’entrée avec un élargissement des quotas généraux.
Avant de se prononcer sur la suppression du NC, le GBO souhaite obtenir des réponses à toutes les questions qui restent en suspens, y compris en matière d’éthique et de solidarité, non seulement dans le cadre belge, mais aussi dans le cadre européen et international. - La France a abandonné le NC.
- Si les quotas généraux ont été fortement augmentés pour suffire à moyen terme à produire la force de travail nécessaire, le grand problème des sous quotas régionaux persiste. Les négociations restent âpres et les points de vue contradictoires
Quelques défis de la planification :
- Comment arriver à l’adéquation optimale entre l’offre de médecins et les besoins en santé publique ?
- Comment respecter le principe de liberté qui veut que tout jeune belge qui souhaite devenir médecin ait la possibilité d’avoir accès aux études de médecine, avec un exercice de la profession dans le cadre de l’INAMI établi selon les sous-quotas de répartition entre MG et MS ?
- Comment respecter la directive européenne qui veut que tout médecin diplômé issu de l’espace européen ou d’un pays étranger avec reconnaissance de diplôme puisse avoir accès à l’exercice de la profession en Belgique sans entrer de facto en compétition avec les futurs médecins belges ?