
.Un billet d’humeur du Dr Lawrence Cuvelier, prĂ©sident du GBO/Cartel, publiĂ© le 13/02/2025.
Les billets repris dans la rubrique « Grains à moudre » témoignent des opinions personnelles de leur auteur (et n’engagent que lui), sans nécessairement refléter la position du GBO/Cartel.
Le passage du passé au futur, on peut en être le témoin passif. Ou en être acteur, mais cela nécessite une véritable culture du débat.
Chacun à sa façon, nous sommes des généralistes passionnés par leur métier et, pourquoi le cacher, il y en a même qui sont pénétrés par l’importance de défendre la profession. Dans toutes nos actions, la passion du métier est un moteur indispensable. Mais chacun d’entre nous vit cette passion à sa manière et parfois cela nous empêche de reconnaître l’autre dans ses choix.
Le monde d’avant
Le jeune médecin que j’ai été (oui !) devait organiser sa vie privée avec une épouse généraliste qui travaillait douze heures par jour. Dans la génération d’avant, le schéma était différent : lors de leurs études, les médecins (nos « vétérans ») avaient souvent fait la rencontre d’une gentille infirmière qui, devenue « la femme du docteur », s’était dévouée corps et âme à son héros de mari, ne comptant pas ses heures, fixant des rendez-vous, prodiguant des conseils, accueillante à toute heure, complétant l’anamnèse au téléphone et parfois à l’épicerie où elle croisait des patients bavards. Psychologue de première ligne avant l’heure, elle éclairait le mari fantôme de la maison par ses observations psycho-sociales. Sicut era in principio.
Les enjeux de la MG sont importants pour l’avenir car nous sommes convaincus que le médecin de famille est appelé à rester une clé de voûte du système de santé, et même à en renforcer l’efficacité.
Le monde change
Au GBO nous n’allons pas nous bercer de « c’était mieux avant », ni brandir une bannière « Make MG Great Again ». Pourtant le confort du statu quo est tentant et ceux qui veulent faire avancer les choses ne sont pas toujours bien vus. Quand nous avons voulu moderniser les systèmes de gardes généralistes, nos propositions pour une réorganisation dans le sens d’un service à la fois plus convivial et plus efficace se sont heurtées à de fortes réticences, parfois violentes, rythmées par l’aveugle rengaine : “nous avons toujours fait comme cela”.
Il n’empêche que les enjeux de la médecine générale sont importants pour l’avenir car nous sommes convaincus que le médecin de famille est appelé à rester une clé de voûte du système de santé, et même à en renforcer l’efficacité. Malheureusement, nous devons constamment nous battre face à des politiques et des bureaucraties qui n’ont de cesse de raboter nos compétences, que ce soit au profit d’autres prestataires de la première ligne ou au profit des spécialistes.
Vous imaginez un monde oĂą tout le monde penserait ma mĂŞme chose ? Terrifiant ! Mortellement ennuyeux !
Dans ce combat, le GBO affirme que c’est en unifiant nos forces que nous serons le plus percutant. Il y a bien sûr des différences d’opinions entre les 4 composants du Collège de Médecine Générale qui réunit les centres universitaires de médecine générale (CUMG), la société scientifique (SSMG), les cercles de médecine et le syndicat. Le principe de la démocratie, c’est qu’elle est divisée, c’est-à -dire ouverte à la pluralité des opinions – il n’y a que dans les dictatures que tout le monde est « prié » d’avoir la même opinion. Que nos différentes convictions se confrontent dans un débat serein ne peut être que bénéfique. Et des idées différentes, il y en a, ce n’est pas pour rien que notre pays se caractérise par son individualisme (il suffit pour s’en convaincre de comparer la diversité des maisons dans une rue de Bruxelles à la répétition inlassable des mêmes immeubles dans celles de Londres ou d’Amsterdam). Cette diversité est peut-être une faiblesse, mais c’est plus certainement une force à partir du moment où nous laissons place au débat et au respect de l’autre. Le GBO est souvent la cible de déclarations incendiaires de la part de partenaires, auxquelles nous réagissons de manière rationnelle et mesurée. Pourquoi se formaliser de manifestations hostiles, les groupes humains sont toujours très jaloux de leurs territoires et réagissent aux empiètements de compétences des uns sur les autres ? Ainsi la science est plutôt de la compétence des universités et de la SSMG, mais il y a des domaines où politique et science s’entremêlent et où les frictions sont inévitables. Nous sommes de fervents partisans du dialogue et, en tant que syndicat, notre rôle est de parvenir à des accords honorables face aux autorités. Le grand congrès du Collège de Médecine Générale « Être généraliste dans le monde de main » qui s’est tenu à Namur en novembre dernier fut à cet égard une belle réussite, illustrant qu’encore et toujours, l’Union fait la Force et combien une culture du débat est beaucoup plus fertile que les polémiques.