Les quotas INAMI : fin d’une saga politique vieille d’un quart de siècle ?
Flash-info 64/23, publié le 20/07/2023
Rétroactes
Lors de la pléthore de médecins dans les années 80-90, l’Etat fédéral a craint une explosion des dépenses de soins de santé, partant de l’hypothèse (prégnante à l’époque) qu’une offre abondante de soignants, surtout spécialisés, entraînait immanquablement une hausse des besoins en soins dans la population. Il a donc contingenté les études de médecine en limitant la distribution de numéros INAMI à la sortie des études.
Puis la pénurie est venue remplacer la pléthore, mais la politique du Gouvernement fédéral n’a pas changé car le dossier a pris une connotation très communautaire, les Flamands reprochant aux Francophones leur laxisme (les Francophones laissaient entamer et terminer leurs études à un trop grand nombre d’étudiants, malgré les règles fédérales en matière de numerus clausus).
Le déblocage est venu d’un accord historique, le 29 avril 2022, entre le Ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke, et la ministre (de l’époque) de l’Enseignement supérieur en Communauté française, Valérie Glatigny.
L’accord du 29 avril 2022 entre les Ministres Vandenbroucke et Glatigny
Cet accord comprend les éléments suivants :
- Le point principal, et le plus important, c’est que les quotas globaux pour le pays ont été sérieusement revus à la hausse: cet accord a donc surtout permis à la Fédération Wallonie-Bruxelles de passer de 505 numéros INAMI pour les étudiants qui seront diplômés en 2027 à 744 pour ceux qui le seront à 2028 et enfin à 929 pour 2029 ! Soit plus de 400 médecins de plus en 2029 que ce qui était prévu initialement !
Cela a fait l’objet de l’arrêté royal du 29 mai 2023 portant modification de l’arrêté royal du 12 juin 2008 relatif à la planification de l’offre médicale, en vue de fixer les quotas de médecins pour l’année 2029.
Rappelons toutefois que Le quota fédéral fixe le nombre de médecins qui, après six ans de formation de base, peuvent entamer leur formation de spécialisation en tant que médecins généralistes ou médecins spécialistes. C’est pour cette raison que le quota est fixé pour l’année X+6. Mais ce sont les communautés qui doivent décliner le quota fédéral en des sous-quotas par spécialité : raison pour laquelle la Communauté française a institué une Commission consultative de planification de l’offre médicale, dont le Dr Pierre Drielsma (administrateur et trésorier du GBO/Cartel) est un des membres (tout en étant également membre de la Commission fédérale de planification de l’offre médicale).
. - La Communauté française s’est engagée à organiser un concours d’entrée en bonne et due forme : c’est chose faite et le premier concours se tiendra le 25 août prochain. Finie donc cette année l’ancienne formule d’examen d’entrée où des cotes minimales étaient requises pour être admis.
Ils seront 1.366 à pouvoir réussir ce premier concours d’entrée en médecine : l’écart entre ces 1.366 étudiants admis en médecine dès septembre 2023 et les 929 numéros INAMI qui seront en attribués en 2029 est justifié par un calcul basé sur le « taux de déperdition », qui permet d’anticiper le nombre d’étudiants qui ne s’inscriront pas aux études, ne les finiront pas ou ne les poursuivront pas en Belgique.
. - Tous les étudiants francophones ‘surnuméraires’ auront la certitude de recevoir un numéro INAMI à la fin de leurs études.
Rappelons que les précédents Gouvernements de la Communauté française n’ont pas respecté les règles fédérales du numerus clausus avec la conséquence que le nombre d’étudiants francophones ayant entamé des études de médecine est bien plus important que le nombre autorisé par les règles fédérales de la planification de l’offre médicale : jusqu’il y a peu, 2.921 étudiants en médecine étaient toujours dans l’incertitude de pouvoir un jour exercer leur profession !
. - Le quota attribué à la Flandre sera revu à la hausse pour combler le déficit accumulé par elle.
Nous avons largement commenté cette demande de la Communauté flamande dans un Flash Info qui reprenait la quintessence d’une interview du Dr Pierre Drielsma publiée le 10 mai 2023 dans Le Soir sous le titre : « Les autorités flamandes rejoignent le sud sur l’estimation d’une pénurie de soignants ».
Ces deux derniers points viennent d’être concrétisés par une modification de la loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l’exercice des professions des soins de santé (dite « LEPSS« ), publiée au Moniteur belge du 14 juillet dernier. Cette dernière publication entérine donc par voie légale les derniers points de l’accord du 29 avril 2022 précité.
Fin à la saga des numéros INAMI ?
Cette modification de la loi relative à l’exercice des professions des soins de santé met-elle pour autant fin à la « saga« des numéros INAMI ?
Oui, sur le plan réglementaire.
Non sur le fond.
Car la pénurie, voulue par l’ABSyM, reste entière et sans réponse immédiate.
Certes, le nombre global de médecins a augmenté – et le GBO/Cartel s’en réjouit – pour l’ensemble du pays.
Certes, et le GBO/Cartel s’en réjouit aussi, tant du côté flamand que du côté francophone, la volonté est affichée d’inciter les étudiants arrivés au bout de leurs six premières années de médecine à se tourner vers une spécialisation en médecine générale, vu la pénurie de médecins généralistes.
Mais énormément reste à faire pour augmenter réellement le nombre de médecins généralistes et pallier les trop nombreuses zones (et trop nombreux quartiers dans les grandes villes) en pénurie.
Et cela nécessite une vraie revalorisation de la médecine générale, et ce dès l’Université !
Et cela nécessite une politique concertée entre le fédéral et les Régions (car ce sont ces dernières qui ont hérité de la compétence sur la première ligne). Or l’histoire récente démontre que cette politique concertée entre les différents niveaux de pouvoir du pays n’est pas évidente, même si l’accord d’avril 2022 passé entre les Ministres Vandenbroucke et Glatigny est la preuve que c’est possible.
Le GBO/Cartel continuera en tout cas à se battre pour combler cette pénurie dans le cadre d’une politique générale de renforcement de la première ligne et de plus grande collaboration d’une part entre les prestataires de première ligne et d’autre part entre ces derniers et la deuxième ligne et ce dans un objectif d’efficience, ce qui implique un esprit de respect mutuel entre les lignes de soins.