Indicateurs antibiotiques : le GBO restera vigilant à ce que la promotion de la qualité ne soit pas confondue avec la police de la route !
Flash-info 49/24, publié le 04/07/24
Le service d’évaluation et de contrôle médicaux (SECM) a envoyé en ce début du mois de juillet 2024 un feedback individuel à chaque généraliste sur son comportement de prescription d’antibiotiques selon les 3 indicateurs du CNPQ (1) au cours des 5 dernières années, comparé à celui des confrères généralistes.
Indicateurs du CNPQ : intention louable mais copie à revoir !
Le but de la manœuvre est, déclare l’INAMI, de favoriser l’appropriate care, important pour la santé publique, en permettant à chacun de se situer de manière globale par rapport à ces indicateurs … et d’adapter son comportement de prescription d’antibiotiques pour arriver à une prescription raisonnée et responsable, tout en sachant que bien des indications des médicaments sont parfois bien plus large que ce qui est officiellement reconnu.
L’intention est louable et il nous paraît d’ailleurs utile de préciser que ces indicateurs ont été voulus et leur instauration approuvée par le Groupe de travail médecine générale du CNPQ, en vue de stimuler la prescription la plus adéquate afin de freiner la résistance aux antibiotiques, prévenir les infections nosocomiales, diminuer l’impact des prescriptions sur l’environnement et sur les coûts de l’assurance soins de santé.
De plus, le GBO/Cartel regrette vivement que seule la prescription d’antibiotiques par les médecins généralistes soit évaluée alors que celle des autres prestataires de soin est encore loin d’être mise en oeuvre : tous les prescripteurs (autres spécialistes, dentistes, etc) devraient également participer à ce baromètre antibiotiques.
Le GBO/Cartel défend une aide à la prescription faite par les pairs, mais refuse que soient mises en place des directives contraignantes
Or, ce courrier précise en outre qu’une évaluation secondaire sera réalisée pour les prestataires s’écartant de ces 3 indicateurs, avec en conséquence, sensibilisation, avertissement ou action de contrôle pour les déviants. Le GBO/Cartel estime particulièrement regrettable que le SECM ait jugé utile de joindre à cet envoi son courrier daté du 8 décembre 2023, qui avait déjà suscité une levée de boucliers (nous vous invitons à (re)lire le Flash-info Indicateurs antibiotiques : intention louable mais copie à revoir). Errare humanum est, perseverare diabolicum …
Le GBO/Cartel, sans aucun doute, est totalement favorable à l’instauration de stimulants à la prescription la plus adéquate. La maîtrise des prescriptions inutiles d’antibiotiques est en effet un défi que la médecine générale doit remporter et le GBO/Cartel soutient les efforts déployés par nos sociétés scientifiques universitaires et de formation continue (SSMG) pour leurs démarches de formation en ce sens (diffusion des RBP, formations continues, glems). La médecine générale est, grâce à nos formateurs, actuellement engagée dans une dynamique solide de meilleure prescription et de « dé-prescription » si possible, dans le cadre de la prévention quaternaire, au cœur de sa responsabilité.
Le GBO/Cartel prend acte de la démarche des autorités par communication des feedback de profils pour permettre aux généralistes de s’autoévaluer. Mais il insiste auprès des pouvoirs publics pour qu’ils entendent les demandes spécifiques du terrain !
Après analyse des graphiques reçus :
- il ressort que toute la profession de généraliste se trouve sous la ligne rouge représentant le seuil de justification approuvé par le CNPQ pour 2 critères de qualité. Quelle signification donner au déraillement de 100 % des généralistes ? Ces critères sont-ils vraiment adaptés au terrain ?
- Prendre le critère des DDD est-il adéquat quand on compare le traitement à l’amoxicilline et aux quinolones, celles-ci étant souvent prescrites adéquatement plus longtemps pour des pathologies plus lourdes ?
- Dans ces analyses, tient-on compte de l’initiateur de la prescription ? Les repères prescriptifs en médecine spécialisée ne sont pas toujours les mêmes qu’en terrain généraliste pour la même pathologie. Or, le généraliste doit souvent renouveler un traitement instauré par le spécialiste, dans ou hors normes, pour une pathologie simple ou plus complexe.
Quelles sont les réponses aux demandes maintes fois renouvelées d’une prescription à l’unité, indispensable pour faire concorder la prescription avec les dosages requis. L’exemple de la Furadantine, premier choix dans la cystite non compliquée de la femme, est remarquable. 9 co suffisent, la boite en contient 50. Il y a ce qui est prescrit et il y a ce qui est réellement avalé par le patient. La différence n’est pas de la responsabilité du prescripteur.
Outre ces questions factuelles, le GBO/Cartel insiste pour la reconnaissance de la particularité du métier de généraliste. Les RBP sont des guidelines, non des normes contraignantes. Les RBP ont été bien accueillies comme armes efficaces contre la partialité de l’information délivrée par les firmes. Il ne faut pas qu’elles deviennent une arme contre le soin singulier qui fait toute la qualité de notre métier.
« Ce qui peut être compté ne compte pas toujours, et ce qui compte ne peut pas toujours être compté » – Albert Einstein
Le GBO/Cartel insiste aussi pour une reconnaissance de l’autorité scientifique des médecins dans les relations thérapeutiques. Le partenariat entre médecins et patients, dans une dynamique d’interaction participative, nécessite cette reconnaissance pour limiter le poids trop important des demandes ou exigences injustifiées des patients (une nouvelle campagne de sensibilisation serait plus que souhaitable pour éduquer les patients). Nous aurions aimé une description plus explicite des devoirs des patients face à leur droits inscrits dans la récente loi sur les droits des patients.
In fine, le GBO/Cartel suggère également que soit réalisé un investissement public massif en des systèmes informatiques d’aide à la décision : les recommandations EBM devraient être implémentées dans les logiciels médicaux pour aider le praticien à améliorer la qualité des soins grâce à un soutien proactif et une aide immédiate (EBM sur base des données codées du dossier). Cette aide à la décision devra bien entendu être non contraignante et son utilisation renforcée par un incitant positif (par exemple en gagnant des CP’s).
(1) Le Conseil national de promotion de la qualité (CNPQ) a approuvé en juin 2023 trois indicateurs de qualité relatifs à la prescription d’antibiotiques par les médecins généralistes, entrés en vigueur le 29 novembre 2023, date de leur publication au Moniteur belge.