Indicateurs antibiotiques : intention louable mais copie à revoir

Flash-info 101/23, publié le 12/12/2023

Chers consœurs et confrères généralistes,

.

Vous avez probablement reçu (ou allez recevoir) une lettre du Service d’évaluation ET de CONTRÔLE médicaux (SECM). Certains d’entre vous n’ont pas manqué d’être pour le moins surpris par la teneur de celle-ci. Aucun représentant de la profession n’a malheureusement été impliqué dans la rédaction ou la relecture de cette lettre, dont le style abrupt ne servira malheureusement qu’à détourner les généralistes de l’objectif premier de la mise en place de ces indicateurs : la lutte contre la résistance aux antimicrobiens.

Cette lettre vous informe de la mise en place de nouveaux indicateurs antibiotiques. Par ces « indicateurs pour une prescription efficace par les médecins généralistes », entendez les trois indicateurs de déviation des bonnes pratiques médicales en vue de soutenir les médecins généralistes dans une prescription efficace des antibiotiques. Ces trois indicateurs (un indicateur quantitatif et 2 indicateurs qualitatifs) ont été définis par le Conseil National pour la Promotion de la Qualité (CNPQ), dont la partie francophone est composée de vos représentants syndicaux (GBO et ABSyM), de la SSMG et des facultés de médecine. Les mutualités y sont représentées sur l’autre banc et les services Recherche, Développement et Qualité (RDQ) de l’INAMI nourrissent le débat.

Dans la pratique, le CNPQ a repris (mutatis mutandis) les attributions de la commission des profils (CP) qui surveillaient les déviations excessives par rapport aux bonnes pratiques et interrogeait les praticiens sur le pourquoi des déviations. Si les explications ne pouvaient rencontrer l’accord de la commission des profils, celle-ci renvoyait alors le dossier au SECM pour investigation approfondie et sanctions éventuelles.

Ce rôle « tampon » de la commission des profils n’est plus joué actuellement par personne !

Ceci s’explique probablement par les réformes du SCM devenu SECM, à qui il a été rajouté un rôle évaluatif à celui de contrôle. Depuis le début, nous pensons que c’est une erreur stratégique car, pour obtenir une pleine collaboration de la personne évaluée, seul un organisme non sanctionnant devrait pouvoir mettre en œuvre l’assurance de qualité via une évaluation par les pairs (peer review).

Dans d’autres pays, il a été choisi de régler ces questions par une évaluation par les pairs/paires. C’est le cas au Québec. L’exemple ci-dessous ne représente qu’une partie des évaluations possibles par les pairs :

Fédération des médecins Omnipraticiens du Québec – ACTIVITÉS D’ÉVALUATION DE L’EXERCICE DE LA PROFESSION DE LA FMOQ

Source : Fédération des médecins Omnipraticiens du Québec – ACTIVITÉS D’ÉVALUATION DE L’EXERCICE DE LA PROFESSION DE LA FMOQ

.

Quelle est l’objectif de ce courrier ?

L’objectif du CNPQ est de réduire les prescriptions inutiles ce qui est de l’intérêt de tous, comme décrit dans la lettre du SECM.

À la 3e page, la gradation de l’évaluation est prévue en 3 phases :

  1. Dans les 6 mois, tous les généralistes recevront leur position statistique par rapport aux indicateurs définis dans la lettre. Nous espérons également recevoir l’ensemble des statistiques concernant la population des généralistes (et qui sait, un jour, des spécialistes aussi), ce qui nous permettrait aussi de nous situer par rapport à nos confrères et consœurs.
  2. Un an après la publication de ces statistiques (soit 18 mois après le démarrage ?), une deuxième évaluation aura lieu. Celles et ceux dont les chiffres dépasseront largement les indicateurs seront contactés par le SECM pour obtenir une explication. Si celle-ci est satisfaisante (ex. : un médecin généraliste ayant une pratique exclusive ou très majoritairement comme coordinateur de MRS) ou que le dépassement est contrôlable (càd rapidement modifiables), le MG sera sensibilisé à la question des antibiotiques (guidelines, etc.) …
  3. Si l’explication n’est pas satisfaisante, l’évaluation se termine et le rôle du contrôle commence: avertissement ou un contrôle (notons qu’aucune notion de sanction ne figure dans le texte publié au Moniteur le 29/11/23)

Nous ne pouvons que regretter une nouvelle fois la fusion malencontreuse d’une fonction d’évaluation qualitative (assurance de qualité) et d’une fonction de contrôle sanctionnant. Alors qu’il est impératif de distinguer ces deux fonctions, au risque de ne pouvoir obtenir la collaboration des « dépasseurs » ou outliers en anglais, et de devoir être confronté à leur appel à un conseil juridique. C’est-à-dire un conflit plutôt qu’une collaboration.

Nous proposerons donc à l’INAMI que, lors de la 2e évaluation, les premiers contacts soient pris par les pairs proposés par le CNPQ, et que le rôle du SECM se limite strictement à la 3e phase.

.

Pour le GBO,
Dr Pierre Drielsma, trésorier du GBO et membre du CNPQ