Rassurez-vous, il n’y en aura bientôt plus (espèce en voie de disparition)
Les mutualités chrétiennes proposent une responsabilité financière des médecins généralistes (MG) concernant leurs prescriptions d’antibiotiques (AB) dans le but d’en limiter les prescriptions inadéquates et leur surconsommation.Première chose, le GBO soutient évidemment une nette amélioration de la prescription d’AB par l’intervention raisonnée de TOUS les acteurs de santé. C’est une question de santé publique. Les MG, les médecins spécialistes (MS), -par exemple, les services d’urgences hospitalières qui délivrent des AB larga manu devraient être mobilisés-, et les vétérinaires qui, eux aussi, devraient être soumis à la question, particulièrement dans le domaine agro-alimentaire, participant de façon très importante à l’utilisation probablement inadéquate des AB.
La question de l’inadéquation des prescriptions d’AB provoquant leur surconsommation a été abordée par notre ministre de la santé, en mai 2017, en augmentant la part financière du patient par une diminution des remboursements des AB. La ministre entendait ainsi…inciter les médecins à en prescrire moins, mais aussi les patients à en demander moins rapidement. Cette politique semble avoir échoué. Par ailleurs notre Ministre a, dans le même temps, supprimé le financement du parastatal FARMAKA, la seule instance d’intérêt public d’information pharmaceutique pour les généralistes, totalement indépendante des firmes pharmaceutiques et assurant la formation continue raisonnée des MG, entre autre concernant les AB !!! Comprenne qui pourra.
Le constat établissant que la diminution du remboursement des antibiotiques n’a pratiquement pas entraîné de diminution de leur consommation, tout en pénalisant les patients, amène la mutualité chrétienne (MC), par la voix de son secrétaire général, à dédouaner les patients de leurs responsabilités car ce n’est pas eux qui décident de prendre des antibiotiques. Ce sont les médecins qui les prescrivent. La conclusion de la MC est sans appel, « il faut responsabiliser financièrement les MG : Ceux qui prescrivent inadéquatement des antibiotiques doivent supporter une partie de leurs coûts« . Moyen idéal de mettre en porte à faux les MG dans leurs relations thérapeutiques vis-à-vis des patients. Légitiment les patients pourront se demander si le refus de prescription est motivé par leur santé individuelle et/ou collective ou par la santé financière du prescripteur. Trouble garanti.
La prescription des antibiotiques n’est pas optimale en Belgique (nulle part d’ailleurs). Pour rappel, cette question préoccupe les représentants des MG depuis que les profils de prescriptions et les feedbacks INAMI existent.
Les délégués du GBO ont participé durant des décennies à la commission des profils[1], et ils ont depuis toujours proposé des moyens de combattre la « dys-prescription » par l’intégration de l’intelligence artificielle (aide à la décision) dans les logiciels médicaux. De la sorte, dès le diagnostic posé, le logiciel proposerait un traitement conforme aux recommandations. Le médecin qui voudrait y déroger, en fonction de l’EBM (préférence du patient et/ou expertise du médecin !), devrait consigner sa motivation dans le DMI. En cas d’anomalies manifestes, on organiserait une régulation par les pairs [2] .
La conclusion des nombreuses études à ce sujet du GBO date de 2000 (il y a 19 ans !!!), alertant déjà sur les priorités stratégiques face à la dys-prescription des AB. Une réflexion sur ces thèmes précis devrait être suscitée de façon concertée … et l’utilisation d’outils ayant déjà fait preuve d’un impact sur la prescription comme les reminders (rappels informatiques) devrait être testée.
Les comparaisons de prescription avec les pays du nord pèchent par les biais d’analyse. En effet, dans ces pays l’inscription auprès d’un MG est souvent la règle ainsi que l’échelonnement des soins. Il en résulte une position plus solide du MG dans le système de soins, ce qui favorise la possibilité de ne pas prescrire.
Petit rappel pour la mutualité chrétienne, voici ce que concluent les papes de l’EBM (Cochrane collaboration) :
Ces erreurs de prescription sont dues à de nombreux facteurs, notamment au fait que certains patients insistent pour qu’on leur prescrive des antibiotiques, que les médecins n’ont pas toujours le temps d’expliquer pourquoi les antibiotiques ne sont pas nécessaires et les prescrivent simplement pour gagner du temps [3], que certains médecins ne savent pas au moment de la consultation comment reconnaître une infection bactérienne grave[4] et que certains médecins font preuve d’une prudence excessive [5]. En matière de prudence excessive, une étude récente pointe un exemple en démontrant que les prudents (excessifs ?) ont bien raison de prescrire des antibiotiques pour traiter les infections urinaires des personnes âgées [6].
Un avis [7] encore du Canadian medical association journal : Important approaches include undergraduate and postgraduate education, local formularies, incentive schemes, review and feedback on prescribing, and computerized physician order entry with decision support [8].
Il faut aussi tenir compte de l’importance que prend la relation médecin malade dans la consultation. Celle-ci obère souvent la perception de l’intérêt collectif (les résistances) par rapport à l’intérêt individuel à court terme du patient partenaire. Et c’est là que le soutien collectif, pouvoirs publics, mutuelles, presse, universités, ligues de patients doit se développer pour soutenir le concept d’utilisation raisonnée d’AB. Probablement plus efficace que toute sanction financière sur les prestataires.
Conclusions :
Nous partageons les objectifs de bonnes prescriptions de la ministre et des mutualités. Nous souhaitions que les représentants de la profession soient écoutés quand il s‘agit de mettre en place de méthodes d’amélioration des pratiques, parce que nous connaissons mieux que quiconque les conditions de travail de nos confrères. Il faut abandonner définitivement les méthodes punitives et la stigmatisation. Au contraire, il faut encourager les bonnes pratiques et mettre en place les conditions optimales d’exercice (en ce compris pour la démographie médicale et la revalorisation du métier). Le déni des mutualités devant la coresponsabilité des patients [9] dans la dys-prescription (cf. Cochrane), n’est pas audible par les cliniciens qui connaissent quotidiennement le déroulé réel des consultations.
[1] Actuellement en sommeil et remplacée dans certaines de ses fonctions par le CNPQ[2] Le Glem pourrait jouer ce rôle en présence d’un clinicien expert ![3] Joli effet de la pénurie de MG induite par les facultés de médecine francophones[4] Ce n’est pas toujours si évident !![5] Interventions visant à améliorer les pratiques de prescription d’antibiotiques dans les soins ambulatoires
Cochrane Systematic Review – Intervention Version published: 19 October 2005 Sandra R Arnold ;Sharon E Straus[6] Antibiotic management of urinary tract infection in elderly patients in primary care and its association with bloodstream infections and all cause mortality: population based cohort study
BMJ 2019; 364 doi: https://doi.org/10.1136/bmj.l525 (Published 27 February 2019)Cite this as: BMJ 2019;364:l525[7] Good prescribing: better systems and prescribers needed; Simon Maxwell; CMAJ April 06, 2010 182 (6) 540-541; DOI: https://doi.org/10.1503/cmaj.100335[8] Je ne lui fais pas dire[9] Pour rappel (la nième fois) l’EBM c’est la « best evidence » + l’expertise du médecin + les préférences du patient. (CQFD) |