Flash-info 93/22, publié le 24/10/2022

Budget soins de santé 2023 : état des lieux et décodage

Dans notre Flash Info Le GBO/Cartel s’est fermement opposé à la proposition de budget soins de santé 2023 du 3 octobre dernier, nous vous avions fait part de la ferme opposition du GBO/Cartel à la proposition de budget adoptée par le Comité de l‘assurance de l’INAMI (où se retrouvent les prestataires et les mutuelles) et ce pour deux raisons :

  • Imposition d’une nouvelle économie de 20 millions en 2023 (80 millions à partir de 2024), dont une très grande partie sera à charge des honoraires médicaux
  • Mesure structurelle supplémentaire réservée aux seuls prestataires conventionnés, dont la pertinence reste hasardeuse et l’efficacité non avérée.

Il s’agit donc d’une incertitude tant au niveau des économies à réaliser que des affectations prévues.

Le GBO/Cartel se disait prêt à revoir sa position si ces deux pierres d’achoppement sont levées.

Force est de constater que les réserves du GBO/Cartel sont loin d’être levées. Au contraire.

Lors de la réunion du Conseil général de l’INAMI (qui réunit les partenaires sociaux, les mutuelles et les représentants du Gouvernement avec voix délibérative, et les prestataires avec voix consultative, le GBO/Cartel y étant représenté par le Dr Marcel Bauval), le Gouvernement a en effet déposé et fait voter son épure budgétaire, qui reprenait la quasi-totalité de la proposition du Comité de l’assurance mais en accentuant certains points et pas dans le sens que le GBO/Cartel le souhaitait.

Les mauvaises nouvelles

Une économie supplémentaire de 20 millions d’euros !

L’économie supplémentaire de 20 millions d’euros (pour tous les secteurs, mais la médecine devrait logiquement en assumer environ la moitié) à réaliser en 2023 est confirmée, mais il est précisé en outre que seulement la moitié des moyens ainsi dégagés pourra être utilisée par le secteur concerné en 2024, tandis que l’autre moitié sera réinjectée dans le cadre de l’objectif budgétaire global. En clair : les économies que les médecins dégageront sur leurs propres honoraires risquent d’être perdues pour moitié. Et, cerise sur le gâteau, en l’absence d’une proposition d’économie « appropriée et budgétée » d’ici au 30 septembre 2023, le montant sera déduit linéairement du budget du secteur concerné.

Une indexation qui risque quand même d’être amputée avec la conséquence que les 30 € que nous réclamons pour une consultation ne seraient pas atteints en 2023

Pour rappel, les honoraires d’une consultation au cabinet par un médecin généraliste accrédité (101076) s’élevaient à 27,25 € au 1/1/22 et ont été majorés de 2% le 1er juin dernier pour atteindre 27,80 €. Si on octroie l’entièreté de l’indexation (8,14%) le 1er janvier prochain, on n’obtiendra que 29,47 € et donc pas encore les 30 € que nous réclamons. Par ailleurs, la note du Gouvernement précise que les commissions de conventions et d’accords (et donc la médico-mut) sont « encouragées à affecter une partie de leur masse d’index à de nouvelles politiques au sein de leur propre secteur, également dans le but de promouvoir le taux de conventionnement« . Certes, il y a nos revendications d’obtenir une revalorisation des consultations téléphoniques à distance, une revalorisation des honoraires de disponibilité et une revalorisation des visites en maison de repos, mais, à ce stade, rien n’est acquis et gageons que tout ceci fera l’objet de débats animés lors des prochaines médico-muts.

100 millions d’euros pour les seuls conventionnés et à plusieurs conditions !

Enfin, les conditions pour bénéficier des 100 millions d’euros pour les médecins conventionnés sont renforcées :

  • La compensation des coûts n’est accordée qu’aux prestataires de soins entièrement conventionnés pour ce qui concerne leur pratique ambulatoire, et donc des prestataires pour lesquels la possibilité de demander des suppléments d’honoraires va de pair avec le statut de conventionnement, et pas seulement avec le choix de chambre du patient ;
  • Elle est associée à des progrès suffisants dans les travaux sur l’ « appropriate care » ;
  • Elle est réservée aux secteurs qui utilisent sélectivement la masse d’index en partie dans leur propre secteur en 2023 ;
  • Elle est accordée d’une manière administrativement simple sans création de tarifs différenciés, par exemple sous la forme d’une prime.

Comme rappelé plus haut, le Cartel avait déjà fait connaître son opposition à cette proposition en précisant qu’il n’était certainement pas contre le principe (le Cartel s’est toujours engagé en faveur du conventionnement) mais il estimait que les modalités d’application auraient des effets contraires à ceux espérés par le Comité de l’assurance et maintenant le Gouvernement : ces 100 millions d’euros créent une discrimination, ne motiveront certainement pas les non-conventionnés à se conventionner (puisqu’ils auront été victimes de cette discrimination) et n’iront pas nécessairement là où les besoins sont les plus importants. De plus, des mesures en faveur des médecins conventionnés doivent impérativement faire l’objet d’une concertation avec les syndicats.

Les conditions renforcées pour obtenir cette prime renforcent l’opposition du GBO/Cartel aux modalités d’octroi de ces 100 millions d’euros.

Une norme de croissance rabotée en 2024

Autre mauvaise nouvelle, plus fondamentale : la norme de croissance (masse budgétaire permettant de couvrir la croissance du volume mais aussi de développer de nouvelles initiatives) de 2,5% est ramenée à 2% en 2024. C’est tout simplement inacceptable car cela trahit les promesses faites par ce Gouvernement au début de la législature. C’est une vraie défaite pour le Ministre Vandenbroucke.

Les bonnes nouvelles

On peut s’accorder à dire que le Ministre Vandenbroucke, hormis l’acceptation de la diminution de la norme de croissance en 2024, a « sauvé les meubles » pour 2023.

Malgré un contexte budgétaire très difficile dans une situation économique catastrophique pour la plupart des gens, il a réussi à sauver le budget soins de santé au contraire de la ministre précédente qui, lors du conclave budgétaire d’octobre 2016, s’était vue imposer de réaliser 902 millions d’économies en 2017 : à l’époque l’indexation des honoraires avait notamment été en grande partie confisquée.

Dans l’épure 2023, il n’y a pas de vraies économies. Les 120 millions d’euros d’ « économies » pour 2023 sont réalisées via des « corrections techniques » et une partie des « montants réservés » (mesures décidées mais n’entreront pas tout de suite en vigueur).

Pour l’ « économie » prévue de 125 millions d’euros en 2024, il est aussi une « correction technique », et donc indolore pour les prestataires.

Par ailleurs, le Gouvernement fait sienne de la demande du Comité de l’assurance d’apporter une réponse structurelle à la problématique des mécanismes d’indexation existants pour les honoraires, qui sont trop lents à réagir à l’inflation.

Seule mesure vraiment concrète pour les médecins : un budget de 5 millions d’euros est octroyé pour l’amélioration du statut social des médecins en formation (généralistes et spécialistes). On ne peut que s’en réjouir. Mais cela reste encore insuffisant.

Des passages de l’épure Gouvernementale ne sont pas encore très clairs

Il est écrit dans la note du Gouvernement qu’ « Au sein de la ligne budgétaire transversale, un montant de 7.635 milliers d’euros est encore disponible pour divers projets de la première ligne. Une partie de ce montant est nécessaire pour la deuxième phase afin de pouvoir fournir aux personnes atteintes de Covid long des soins de qualité et accessibles. Il est proposé de consacrer le montant restant à une convention « coordinateur de soins SEP spécialisés et consultation SEP multidisciplinaire » qui peut être mise en place en collaboration avec les Ligues SEP et les hôpitaux spécialisés pour la sclérose en plaques (SEP). Une mesure similaire doit être prise pour les personnes atteintes de la maladie de Parkinson. Tertio, un projet transversal sur les hygiénistes dentaires dans la première ligne sera développé.« . A éclaircir car, ce qui semble évident, c’est qu’il s’agit de montants qui ne reviendront pas nécessairement dans les honoraires médicaux.

Un autre passage appelle à des éclaircissements : « Le plan d’approche pour la réforme des hôpitaux prévoit un ensemble de mesures (d’économie) dans le cadre de la biologie clinique. De ce fait, deux fois 23 millions d’euros seront libérés d’ici au 1er janvier 2024. Ces fonds seront utilisés à parts égales pour

  • Les médecins généralistes : dans le cadre du New Deal pour les médecins généralistes, un nouveau modèle d’organisation et de financement pour les pratiques en médecine générale est élaboré. Celui-ci sera préparé en 2023 en vue d’une mise en œuvre en
  • Les médecins-spécialistes : (…).
  • Le gouvernement indique également qu’un groupe de travail sera lancé sur l’assainissement et la différenciation des tâches. Il faut veiller à la cohérence entre les différentes recommandations.« .

Ces deux points seront certainement évoqués lors des prochains Comités de l’assurance et médico-muts et nous vous tiendrons bien entendu informés des éclaircissements que nous obtiendrons.