Analogues du GLP-1 : quelque chose ne va pas au royaume du contrôle médical !

Flash-info 03/25, publié le 20/01/2025
Par le Dr Pierre DRIELSMA, représentant du GBO à la CRM

Des remboursements litigieux, en constante augmentation, chiffrés actuellement à plus de 20 millions d’euros pour la période de janvier 2021 à mai 2024 : plus de 1/7 du montant total remboursé pour les spécialités pharmaceutiques OZEMPIC® et RYBELSUS® est litigieux car non conforme aux conditions limitatives du chapitre IV.

Nous découvrons ici un domaine où le contrôle de la prescription d’un médicament rédigée par le médecin et de sa délivrance effectuée par le pharmacien peut s’exercer de façon rigoureuse et objective : la prescription des incrétinomimétiques GLP-1 pour le diabète et l’obésité morbide. Cette prescription et sa délivrance a des limites très précises qui ne sont actuellement pas respectées de façon systématique par certains médecins, ni par certains pharmaciens :

  1. avec remboursement : diabète insuffisamment contrôlé en trajet de soins (TDS) ou non, 13 injections/an, index de masse corporelle (IMC) égal ou supérieur à 30 kg/m²
  2. sans remboursement : obésité avec un index de masse corporelle égal ou supérieur à 35 kg/m² ou supérieur à 30 kg/m² avec co-morbidité.

Le critère du nombre autorisé est inaccessible aux médecins vu la multiplicité des prestataires consultés par le patient. Les médecins sont responsables par contre du respect des deux autres critères (TDS, IMC). Mais nous nous interrogeons sur l’insuffisance du respect des critères de délivrance des prescriptions (TDS ou autorisation a priori, 13/an) par les pharmaciens dont c’est pourtant une des missions rendue plus facile par l’accès au dossier pharmaceutique partagé. Nous nous interrogeons aussi sur l’insuffisance de contrôle par le Service d’Évaluation et de Contrôle Médical (SECM) rendu lui aussi plus facile par ces critères très précis.

Il est inquiétant de voir que les nouvelles propositions du SECM à la Commission de Remboursement des Médicaments (CRM) suggèrent de transférer la charge administrative du contrôle du respect des critères de prescription sur les médecins par la systématisation de l’obligation d’une demande d’autorisation a priori au médecin conseil pour éviter de devoir déployer un contrôle plus efficace de la délivrance par les pharmaciens et de fraude par certains patients[1] ou même médecins.

Le GBO appelle à une action commune des syndicats de généralistes pour s’opposer à une nouvelle charge administrative pour les médecins. Le GBO demande que l’hypothèse de la suppression du remboursement des GLP1 via le TDS Diabète soit formellement abandonnée et que l’effort soit mis sur le contrôle a posteriori de la conformité des prescriptions, sur le contrôle de leur délivrance et sur la poursuite des fraudeurs par le SECM.

Nous sommes confrontés à deux dynamiques :

  1. un coût important de ces médicaments pour la société avec une surprescription et surdélivrance en TDS (13 boites sont autorisées par an, plusieurs patients en reçoivent 14 ou plus) et même une fraude (par le médecin, le patient ?) au TDS signalé faussement sur les prescriptions (sur papier) dont le statut n’est pas contrôlé par le pharmacien, ce qui rend à tort le médicament gratuit pour le patient. Plus grave encore est l’usage de fausses prescriptions sur papier.
  2. une réduction de la disponibilité du traitement pour les diabétiques suite à une utilisation large, off label, par certains patients obèses ou en surpoids, non diabétiques.

Remboursement du traitement : les propositions du SECM adressées à la CRM

Pour rappel, il existe deux voies possibles pour obtenir leur remboursement :

  1. Via la procédure a priori du chapitre 4 avec un document papier ou électronique à remplir avec en annexe l’hémoglobine glyquée faisant foi et pour 13 injections/an.
    NB : de notre expérience personnelle, le téléchargement de la glyquée se fait mal et la demande électronique est refusée le plus souvent.
  2. L’autre voie est le trajet de soins diabète qui correspond à une hypothèse irréfragable de conformité, avec des contrôles a posteriori possibles, là aussi pour 13 injections/an.

Lors de la réunion de la Commission de remboursement des médicaments (CRM) du 17 décembre 2024, il a été proposé de rendre plus complexe la prescription des GLP1 :

  • Entamer une procédure pour changer l’autorisation actuelle type « b » qui ne limite que la durée de l’autorisation, sans aucune limitation sur la quantité remboursable pendant la durée de l’autorisation en une autorisation type « e » qui détermine une durée de validité et qui limite la quantité remboursable par an par patient, en ligne avec le RCP (résumé des caractéristiques du produit) du médicament.

L’exigence actuelle des 13 injections/an ne serait-elle pas contraignante ? Cette qualification officielle de l’autorisation en type « e » permettrait donc d’encadrer mieux les cas de fraude (certains patients auraient reçu via leur autorisation des centaines de conditionnements remboursables).

  • Vérifier si les pharmaciens peuvent accéder avec certitude aux données relatives aux TDS et modifier les conditions de remboursement pour,
    soit obliger à la vérification du statut TDS par le pharmacien car de nombreux GLP1 ont été délivrés sans autorisation ni TDS
    – soit supprimer l’autorisation automatique de prescription dans les TDS.

Ici, la proposition qui a la faveur du SECM est la suppression de l’autorisation automatique de remboursement via le TDS en réinstaurant pour tous l’obligation de l’autorisation a priori. Ceci nous surprend. Cela ne manquera pas d’augmenter la surcharge administrative des médecins. Avec le calcul que l’évitement de la surcharge produira de facto une diminution de la prescription.

Mais dans un premier temps, la CRM propose d’intensifier la vérification du TDS par le pharmacien. Le GBO insiste pour que cette vérification leur soit en effet obligatoire sur les prescriptions électroniques et sur papier. Nous savons que c’est une donnée qui leur est déjà disponible. Nous pensons que les pharmaciens doivent être rendus responsables d’une délivrance hors critères, sans TDS ou sans autorisation a priori et d’une sur-prescription/délivrance de la 14e boite (et plus) alors qu’ils ont accès au nombre déjà prescrit et délivré grâce au dossier pharmaceutique partagé.

Mais nous craignons que si les prescriptions ne baissent pas assez aux yeux des autorités, la suppression du remboursement via le trajet de soin sera envisagée, sans aucun gain pour la santé publique mais en chargeant administrativement[2] les médecins.

Le GBO demande donc que l’hypothèse de la suppression du remboursement des GLP1 via le TDS Diabète soit formellement abandonnée et que l’effort soit mis sur le contrôle a posteriori de la conformité des prescriptions, le contrôle de leur délivrance et sur la poursuite des fraudeurs par le SECM.

Qu’en est-il des prescriptions off label, non remboursées ?

Les analogues du GLP-1 faisant actuellement l’objet d’une demande accrue dans le monde entier, notamment pour l’utilisation hors indication de perte de poids, leur prescription a été limitée par arrêté royal jusqu’en juin 2024 (plus d’info), sur base des recommandations des experts de la Task Force Indisponibilité de l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS).

L’indisponibilité du médicament sémaglutide est donc, entre autres, due aux prescriptions non remboursées (off label).

La délivrance de GLP1 est donc actuellement uniquement autorisée pour les obésités morbides avec un indice de masse corporelle (IMC) supérieur ou égal à 35 kg/m² et pour les obésités avec un IMC supérieur ou égal à 30 kg/m² avec au moins une comorbidité liée au poids.

Il est probable que certains médecins aient pris une certaine « distance » vis-à-vis des priorités estimées par les autorités (sans pour autant que cela puisse être qualifié de malpractice), prescrivant des sémaglutides pour de simple surpoids (BMI>25) ou obésité (BMI>30). L’ampleur de ce type de prescription devrait pouvoir être étudiée mais le SECM n’a fourni aucune donnée à ce sujet.

[1] Certaines fraudes viennent manifestement d’usagers des soins de santé (vol d’ordonnances ou écritures indues, shopping médical).

[2] Il parait que les autorités veulent réduire la charge administrative des MG ???