CMG asbl – Communiqué
Définir le nombre de médecins généralistes pour le futur ?
Un casse-tête qui ne se résume pas simplement en quotas !
Bruxelles – le 25 juin 2019. Communiqué du Collège de Médecine Générale.
Maintes discussions ont eu lieu lors de législations précédentes concernant le nombre de médecins généralistes à prévoir pour le futur : les numéros INAMI à attribuer, la question des examens d’entrée, des comparaisons avec la Flandre, des quotas à établir… Le Collège de Médecine Générale (CMG) apporte une vue nuancée sur la question et lance des pistes de réflexion. Et ce n’est pas par des mesures partielles à court terme qu’on pourra solutionner le problème.
Comme évoqué dans son mémorandum pré-électoral, le CMG plaide de manière générale pour « l’élaboration d’un plan stratégique de développement de santé publique à l’échelon fédéral, régional et communautaire avec une vision cohérente et à long terme (20 ans) basée sur une évaluation scientifique des besoins de la population en santé. » Ce point de vue vaut tout aussi bien pour la définition du nombre de médecins généralistes à prévoir. Plaidoyer pour un point de de vue « réfléchi ».
Le CMG ne peut pas se défaire de l’impression que les discussions récentes ont été menées dans le vide, sur base de tendances historiques, faute de critères bien établis soutenus par des évaluations scientifiques et une vision à long terme.
Pour procéder à un contingentement éventuel ou une régulation, les besoins réels en matière de nombre de médecins généralistes (MG), mais également de médecins spécialistes (MS), doivent d’abord être établis.
La régulation et le contingentement actuels définis par les autorités semblent mettre la charrue avant les bœufs. Une analyse approfondie pour établir les (sous-)quotas de médecins (MG et MS) est nécessaire, et devrait notamment, mais pas exclusivement, contenir les éléments suivants :
- Définition des tâches et de la pratique : quels sont exactement le rôle et les tâches des différents professionnels de la santé (qu’attend-on notamment concrètement du MG) ? Le principe de la subsidiarité, comme évoqué dans la réforme de l’AR 78, devrait pouvoir y répondre. Où en est-on avec cette réforme de l’AR 78 ? Une conférence initiale a eu lieu le 28 septembre 2016, annonçant : « Après 50 ans, l’arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice des professions des soins de santé sera remplacé par un nouveau cadre légal qui redessine le partage des compétences dans le domaine des soins de santé. L’accent sera mis sur la garantie de soins de qualité. (…) Venez prendre connaissance des concepts de cette réforme. »[1]
L’accord gouvernemental fédéral de 2014 prévoyait « un réaménagement et une épuration des compétences des praticiens des professions des soins de santé conformément au principe de subsidiarité ». Le 14 mai 2019, la loi relative à la qualité de pratique des soins de santé et la loi portant modification de la loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l’exercice de professions de soins de santé ont enfin été publiées au Moniteur Belge. Le moins que l’on puisse dire est que sur le principe de subsidiarité, on reste sur sa faim !
- La réforme envisagée et les aspirations des différentes professions de santé devraient avoir comme conséquence et en parallèle une révision et une adaptation de la nomenclature, en fonction des tâches définies. Pour quand cette réforme de la nomenclature ?
- La révision des tâches des prestataires de soins et la réforme en conséquence de la nomenclature impliquent impérativement une réflexion sur le mode de rémunération. Si des tâches d’administration de soins, suite au principe de subsidiarité, passent d’une profession à une autre, comment la rémunération sera-t-elle adaptée en conséquence afin de maintenir le niveau de vie des prestataires de soins, plus particulièrement du médecin généraliste ? Différents modèles ont déjà été présentés par différentes instances, des autorités ou des prestataires de soins. Les éléments qui pourraient en faire partie : une partie forfaitaire, une partie de rémunération à l’acte, une partie concernant l’évaluation de la qualité (pay for quality). Pour quand un système de rémunération cohérent ?
- Dans le même ordre d’idées, la manière dont on organisera les soins non planifiés – qui elle non plus n’a toujours pas abouti – aura une influence sur les besoins en nombre de médecins généralistes pour assurer la garde de MG, en collaboration avec la deuxième ligne et en définissant de manière concrète et pointue les tâches et responsabilités de chacun. Une réflexion sur l’information et la sensibilisation de la population sur le modèle, une fois implanté, sera essentielle. Pour quand un modèle d’organisation des soins non planifiés élaboré conjointement avec la profession, clair pour la population, répondant à ses besoins et qui rencontrera l’adhésion de tous les acteurs ?
- Le besoin en nombre de médecins généralistes dépend également du rôle défini du MG dans le système de soins et notamment si on veut prévoir ou non pour chaque citoyen un MG de référence (qui sera le détenteur de son DMG informatisé et partagé). Cet aspect est d’ailleurs fortement lié au besoin de prévoir une médecine également plus préventive, point faible actuel des soins de santé en Belgique selon diverses études d’économistes de la santé. Afin d’augmenter sur le long terme la qualité des soins, le CMG est d’avis que chaque citoyen devrait avoir un MG de référence, ce qui évoque l’ancienne notion – toujours valable – de « médecin de famille ».
- En plus des points évoqués ci-dessus, il faut y ajouter les éléments suivants (non limitatifs) : l’activité effective (nombre d’heures de travail par semaine, qui évolue avec la nouvelle génération de MG), la pérennisation du métier, les conditions locales (ruralité p.ex.), et les autres fonctions que remplissent les généralistes en dehors du cadre de la nomenclature INAMI (p.ex. : médecine scolaire, ONE, contrôle, médecin coordinateur et conseiller en Maison de repos et de soins, travail à l’hôpital, enseignement, psychothérapie…).
CONCLUSION
Aussi longtemps que la réflexion fondamentale sur les différents aspects de l’organisation des soins de santé et des tâches dévolues aux Médecins Généralistes n’aura pas abouti, toute décision concernant des examens d’entrée, de quotas, de numéros INAMI à prévoir, de nombre de médecins généralistes à prévoir par nombre d’habitants etc., resteront des décisions non fondées. On constate qu’actuellement il existe beaucoup de réponses partielles à certains problèmes définis, mais qu’il règne un manque total de vision globale. Une analyse approfondie s’impose avant de décider de quotas. Nous invitons le politique, dès la nouvelle législature, à poursuivre cette réflexion afin d’aboutir à une planification qui tienne la route.
Une avancée significative récente mérite cependant d’être soulignée. Lors de la journée sur la planification des besoins médicaux du 30 avril 2019, organisée par l’Académie Royale de Médecine, la grande majorité des participants semblait unanime pour affirmer la nécessité de la mise en place d’une commission de planification des sous-quotas qui devra se baser sur une estimation plus scientifique des besoins. Et toujours selon beaucoup de participants, qui dit estimation des besoins, dit réflexions sur le partage de tâches entre prestataires de soins.
Le CMG est conscient que Rome ne s’est pas bâtie en un jour. Le CMG, à travers les diverses organisations qui constituent ses membres (syndicats, cercles, départements universitaires, société scientifique) est candidat pour participer à la réflexion sur le plan de la médecine générale. Comme son mémorandum récent l’indique, cela suppose la restauration du modèle de dialogue entre le politique, les institutions publiques et les prestataires de soins.
Le Collège de Médecine Générale :
– ABSyM
– FAGW
– FAMGB
– GBO
– SSMG
– UCLouvain (CAMG)
– ULBruxelles (DUMG)
– ULiège (DUMG)
– UNamur et UMons
[1] https://www.health.belgium.be/fr/agenda/reforme-de-larrete-royal-78-start-conference